Comment le freelancing transforme en bien la culture des entreprises ?
À l’instar de la société, les entreprises opèrent des transformations afin de s’adapter aux nouvelles demandes du marché. Le freelancing, une plus grande flexibilité du travail, une gouvernance horizontale sont autant d’exemples de solutions initiées par les talents et les entreprises les plus innovantes. Bien sûr, cela demande aux entreprises de prendre en compte ces propositions afin de les appliquer selon leur adéquation avec la culture de l’entreprise. Cela s’installe de plus en plus avec le freelancing et donc la création d’équipes hybrides, constituées de salariés et de freelances. Mais quelles sont les transformations engendrées par l’intégration de ces profils au sein des équipes et comment réussir leur mise en place ? Dans cet article, nous vous proposons des amorces de réponses à l’aide du retour d’expérience de Caroline Loisel, fondatrice de Be Birds et experte du futur des relations de travail.
Des transformations multiples sur le marché
Le marché du travail connait un essor du freelancing, auprès des jeunes travailleurs comme des personnes en poste depuis plusieurs années. Il n’y a pas de profils type : le freelancing touche toutes les générations, genres, zones géographiques, ainsi qu'une multitude de domaines d’expertise.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet essor en France :
J’y vois trois signes : un signe de confiance, le désir d’une vie plus souple et les prémices de la fin du modèle de reconnaissance sociale basée sur le CDI. Les talents montrent qu’ils ont confiance en leur expertise, dans le marché et envers les autres. Ensuite, le désir d'une vie plus souple (et non pas, plus libre car le freelancing génère son lot de contraintes) permet de gérer plus facilement son agenda. Puis, c’est le signe que les talents s’éloignent du modèle de la carrière linéaire pour espérer progresser dans l’ascension sociale, explique Caroline Loisel.
Quelles sont les conséquences de ces transformations sur le marché ? Cela interroge une plus grande partie des salariés qui envisage, pour beaucoup, le freelancing comme un choix de carrière. Cela implique aussi de nouvelles dynamiques au sein même des entreprises car si les talents sont davantage confiants, les entreprises gagneraient à diversifier leurs modes de collaboration.
D’une culture sachante à une culture apprenante
Nous sommes passés du siècle des sachants au siècle des apprenants. Cela veut dire que l’on se remet en cause très souvent. Aujourd’hui, toute la connaissance est facilement accessible grâce à internet.
Aujourd’hui, la difficulté des entreprises est de pouvoir se transformer en véritable hub de compétences. Il n’est plus question de figer les expertises sur des périmètres restreints mais de permettre aux talents d’évoluer sur des projets qui nécessitent leurs compétences. Le modèle du salariat participe encore à cette rétention de talents.
Quelle solution apporter dans ce cas ?
Il faut que la mission de l’entreprise soit bien définie, parce que nous apprenons pour grandir et au sein d’un projet. Le sens de l’entreprise, du projet est donc important. Cela implique donc d’apprendre avec les autres.
Mais cela signifie donc de transformer sa culture, d’une dimension plus personnelle à une dimension collective :
Lorsqu’on adopte la culture apprenante, cela signifie qu’on dépasse le stade où l’on conserve la connaissance pour soi. On passe alors à une culture où se partager mutuellement la connaissances nous rend plus performants et donc plus heureux.
Mais alors qu’est-ce que les freelances permettent ?
Le freelance est si multiple et avec une telle variété d’expériences qu’il apporte beaucoup de valeur. C’est un talent qui connait les coulisses des entreprises parce qu’il a justement l’occasion de multiplier les expériences terrain. Donc travailler avec des freelances offre le meilleur terrain de jeu pour faire évoluer ses pratiques.
Vers de nouveaux modes de collaboration
La culture des entreprises s'enrichit, mais elle n’est pas la seule à être impactée finalement. Pour accompagner ces mouvements de transformation, cela nécessite de remettre en question notre vision de ce que “doivent être” nos collaborations, selon Caroline :
Il faut sûrement déconstruire le fait que nous vivons dans une société qui réfléchit de façon binaire : soit nous sommes en CDI, soit nous sommes en freelance. Alors qu’il existe déjà des salariés qui ont aussi une activité d’autoentrepreneur. Nous devons envisager un monde plus complexe.
Pour amorcer ces évolutions, il sera donc important d’acculturer les équipes aux avantages du freelancing. D’un côté, les freelances vont apporter leur expertise nécessaire selon le besoin pour lequel ils sont sollicités (intégration d’une nouvelle compétence, réalisation d’un projet court-terme, équipe en sous-effectif…). Les entreprises pourront bénéficier de ces compétences dans un délais plus immédiat. Mais ces profils vont certainement susciter des questions puisque les collaborateurs sont rarement familier de ce que c’est que travailler en freelance.
Caroline Loisel regroupe ces questions en trois catégories :
- politique : les freelances peuvent effectivement avoir un rôle opérationnel ou stratégique, à des niveaux variés dans la hiérarchie interne. “Les salariés pourraient alors considérer les indépendants comme de potentiels concurrents, en imaginant que les indépendants soient intéressés pour intégrer l’entreprise en CDI.”
- finance : les salariés pourraient comparer leurs rémunérations aux TJM des freelances afin de comprendre la valeur apportée de leur propre expertise. “Les entreprises devront sensibiliser les collaborateurs à ce qu’est une vie de freelance (les charges, le nombre de jour travaillé, le temps de prospection et de communication…, ces implications qui provoquent la précarité du statut)”, propose Caroline Loisel.
- statut : les freelances sont encore associés à des profils ayant un parcours atypique, sans que les collaborateurs aient tous conscience de la valeur ajoutée d’un tel profil au sein des équipes.“Actuellement, les freelances perdent le jeu de la reconnaissance sociale car ils sortent du terrain de jeu”.
Concrètement, comment cela pourrait-il être géré ? Caroline suggère qu’il y a un premier champ d’actions au niveau managérial, notamment via le Comex qui “devra nécessairement faire évoluer sa façon de diriger et de penser”. Mais il ne faut pas non plus mettre à l’écart certaines fonctions comme les équipes RH et IT qui doivent à la fois gérer l’aspect humain et l’aspect technique (notamment en terme de gestion des données). Les pistes sont donc nombreuses pour que l’ensemble des collaborateurs, et ce à toutes les échelles hiérarchiques, soient confortables avec ces transformations.
Le freelance est une solution particulièrement efficace aujourd’hui pour favoriser la transformation des entreprises. Ayant l’opportunité de travailler avec un grand nombre de clients, ce talent externe se confronte aux différentes pratiques exercées sur le marché et peut ainsi suggérer aux autres entreprises de mettre en place certaines des pratiques observées. Il bouscule ainsi les collaborations établies parce que c’est précisément ce qu’on attend de ces experts : apporter de nouvelles compétences, pratiques ou outils. Quels seront alors les apprentissages des entreprises et que projetteront-elles de mettre en place afin de consolider ce dynamisme, après l’intervention de ces talents indépendants ?